1924
1924, le coup d’envoi est donné ; les regards du monde entier se posent sur le nouveau stade de Colombes. Les Jeux olympiques de Paris s’ouvrent, avec une cérémonie aussi grandiose que l’ouvrage qui l’accueille. De nombreuses personnalités se bousculent dans les gradins, afin d’assister à ce moment historique
Une cérémonie d’ouverture populaire...
Le samedi 5 juillet 1924, la cérémonie d’ouverture enflamme le stade olympique de Colombes. 44 délégations et quelque 3088 athlètes défilent devant 45 000 spectateurs médusés par le spectacle.
Pour cette 8ème édition, c’est le président de la République française, Gaston Doumergue, qui proclame l’ouverture officielle de la compétition aux côtés des membres du Comité International Olympique et de son président, Pierre de Coubertin.
Après le coup de canon traditionnel, le drapeau olympique est hissé au sommet du mât central du stade tandis que Géo André, le porte-drapeau français et ancien médaillé des Jeux de 1908 et 1920, déclame le serment officiel.
Du côté de la presse, cette cérémonie est un succès en demi-teinte. La faute, selon elle, à un stade au style industriel et bétonné qui fait regretter l’esthétique des célébrations antiques grecques. En revanche, les spectateurs ne sont pas du même avis. Dans les gradins, la fête est au rendez-vous, le confort y est moderne et la vue imprenable sur le terrain.
Huit ans après la fin de la Première Guerre Mondiale, cet événement sportif est aussi perçu par une grande partie du public comme une promesse de lendemains plus joyeux.
... et à grand spectacle
Quand les personnalités se bousculent aussi
Outre les 45 000 spectateurs du stade olympique de Colombes, la cérémonie d’ouverture des Jeux fut l’occasion pour de nombreuses personnalités de se montrer.
Le prince de Galles, futur Edouard VIII, la princesse Élisabeth de Roumanie, le prince Tafari Makonnen d’Éthiopie ou le prince Gustave-Adolphe de Suède sont aperçus avec le président de la République Gaston Doumergue.
Aux côtés de ces nombreux héritiers, Pierre de Coubertin est aussi sur le devant de la scène. Président du Comité International Olympique depuis 1894, il a joué un rôle important pour la rénovation des Jeux et l’organisation des premières éditions de l’ère moderne en 1896 à Athènes, puis à Paris en 1900 et en 1924.
Est-il bien différent d’un vélodrome, ce stade immense, caractéristique de l’architecture industrielle ? Tout en charpentes légères de fer ou de bois, sur des assises de ciment, il proclame la science de l’ingénieur. Il a l’élégance d’une épure géométrique, la maigreur de la construction utilitaire, il émane de lui la froide beauté des formules algébriques et la grâce squelettique du calcul. Toute la chair de marbre doré du stade antique s’est effritée sous l’action sournoise du temps, il ne demeure plus debout qu’une ossature, image même de l’olympisme exhumé du tombeau.
Jean De Pierrefeu
L’édition des Jeux de 1924 est placée sous le signe de l’innovation. L’arrivée de la télégraphie sans fil (TSF) permet de retransmettre les premières épreuves olympiques. La généralisation du recours à l’image et de techniques comme le ralenti offrent une nouvelle façon de vivre et d’analyser le sport. Les athlètes entrent dans l’ère de la médiatisation de leur discipline et de leurs performances.
L’avènement de la TSF et des premiers Jeux médiatisés
Innovation de la fin du 19e siècle, la télégraphie sans fil (TSF) est l’œuvre de plusieurs chercheurs. En 1896, Guglielmo Marconi exploite les découvertes de ses prédécesseurs Branly, Popov ou Hertz pour réaliser les premières expériences de télégraphie sans fil. En 1899, il est le premier à réaliser une liaison transmanche entre Douvres et Wimereux.
Par la suite, cette découverte sera développée et exploitée au service d’applications militaires. En 1904, l’ingénieur et général français Gustave Ferrié met en place des antennes sur la tour Eiffel, ce qui évite sa démolition. Dix ans plus tard, l’américain Lee de Forest inventera la lampe à diodes, et la lampe triode. Innovations majeures, ces deux lampes équiperont de nombreux appareils pour moduler le signal radio. La radiodiffusion était née. Elle se développera en France dès 1922 avec les toutes premières émissions, notamment sur la chaine de radio privée Radiola qui lance sa toute première émission officielle avec son célèbre speaker, Marcel Laporte.
Lorsque les Jeux de 1924 ont lieu, l’avènement de la TSF permet une couverture médiatique sans précédent de l’événement. Edmond Dehorter, surnommé le « parleur inconnu », commente les principales épreuves en direct. Il est encore aujourd’hui considéré comme un pionnier de la radiodiffusion.
Edmond Dehorter (1877-1965), le journalisme, c’est du sport
Edmond Dehorter est né le 4 février 1877 à Londres et décède 88 ans plus tard à Louveciennes, le 9 décembre 1965.
Journaliste reconnu, il a marqué l’histoire en étant le premier Français à commenter les événements sportifs à la radio.
Tout commence en 1921 quand il découvre des confrères américains J.O Smith et Andrew Withe qui commentent le combat du siècle entre les boxeurs Jack Dempsey et Georges Carpentier au micro de ce qui deviendra la KDKA à Pittsburgh.
À partir de cette époque, Edmond Dehorter adopte la radiophonie comme média de choix et démocratise le sport grâce à ses reportages sur Radio Tour Eiffel en 1921 puis chez Radiola qui devient Radio-Paris en 1924.
Il se démarque également en étant le premier journaliste à faire vivre une rencontre sportive en direct à la radio à l’occasion du combat de boxe entre Marcel Nilles et Georges Carpentier. Loin d’être timoré, il réalise à la suite du combat, la toute première interview de sportif pour une radio française. Le vainqueur, Georges Carpentier, déclarera « Ici Georges Carpentier, je viens de battre Nilles par K.O en huit rounds et je suis très content de la victoire ! »
En 1924, interdit d’accès au stade olympique de Colombes par une organisation qui lui préfère la presse écrite, Edmond Dehorter se hisse dans la nacelle d’un ballon captif pour réaliser ses reportages et commenter les Jeux. Là encore, il fait preuve d’une inventivité qui inspirera par la suite de nombreux journalistes en herbe.
Edmond Dehorter vu par ses confrères de l’époque
Le travail d’Edmond Dehorter a été maintes fois félicité par de nombreux sportifs, membres de fédérations, lecteurs ou auditeurs.
Certains de ses confrères comme Pierre-Louis Courier ou Alex Surchamp sont également impressionnés par son style.
Dans le quotidien français L’Ouest-Éclair, Pierre-Louis Courier dit à son propos : « Quatre ou cinq heures de sport, même enthousiasmant, cela finirait par lasser même l’auditeur le plus enragé. Dehorter l’a compris ; il interpelle ses voisins, blague l’arbitre ou son confrère anglais, amène au micro vedettes et dirigeants. Il siffle, il chantonne, il cite ses auteurs et fait des mots. »
Le journaliste du quotidien Paris-Soir, Alex Surchamp vante également le travail d’Edmond Dehorter : « Il allait, bavardait, caquetait, passant avec une étrange désinvolture qui réjouissait les sans-filistes, d’un stade de football à un court de tennis, d’un autodrome à un hippodrome, d’un magasin d’alimentation, à un établissement cinématographique, il était associé aux grandes manifestations nationales, aux enterrements comme aux bals de l’opéra. Il parlait de tout et de tous, sinon toujours avec compétence du moins toujours avec volubilité. »
Malgré les guerres intestines qui pouvaient exister entre journalistes à cette époque, Edmond Dehorter « mettait souvent tout le monde d’accord ! »
Interdit de commenter les Jeux de 1924 depuis le stade, il décide de le faire depuis les airs !
Passionné de sport, Edmond Dehorter ne se voyait pas louper la couverture des Jeux olympiques de 1924 à Paris. Déjà reconnu à cette époque, il n’avait pas envisagé d’être autant jalousé par la presse écrite qui fait pression sur le comité d’organisation des Jeux pour l’interdire de stade.
Qu’importe ! Le 9 juin 1924, il prend place à bord d’un ballon captif pour prendre suffisamment de hauteur et se placer au-dessus de la tribune du stade pour commenter, micro à la main, ce qu’il voyait avec ses jumelles.
Grâce à cette témérité, il commente notamment la finale du tournoi de football entre la Suisse et l’Uruguay.
Impressionné par la détermination du journaliste, le comité d’organisation des Jeux décide finalement de lui octroyer une place dans la tribune presse.
Il couvrira la fin de l’événement depuis le bord du terrain, faisant des Jeux olympiques de 1924, les premiers à être retransmis à la radio.
La diversité des compétiteurs et de leurs prouesses impressionne. Autour des épreuves d’athlétisme se constitue un véritable panthéon de champions, dont les performances marquent leur époque. Parmi cette galerie de conquérant se trouvent par exemple le coureur Finlandais Paavo Nurmi ou encore les Britanniques Harold Abrahams et Eric Liddell, dont la rivalité inspirera six décennies plus tard, Hugh Hudson, réalisateur du film Les Chariots de Feu
Géo André (1889-1943)
Médaillé dans plusieurs disciplines liées au décathlon, il était reconnu en France comme le plus grand sportif de son époque. Après sa carrière, il continue l’aventure en tant que journaliste sportif. C’est lui qui prononce le serment olympique lors de la cérémonie d’ouverture de 1924.
Harold Abrahams (1899-1978)
Légende de l’athlétisme de l’entre-deux guerres, il remporte la médaille d’or du 100 mètres et l’argent sur le relais 4 x 100 mètres à Paris aux Jeux de 1924.
Eric Liddell (1902-1945)
Joueur écossais de rugby à XV, il était aussi très doué dans d’autres disciplines. Ainsi, aux Jeux de 1924, il remporte la médaille d’or du 400 mètres et la médaille de bronze sur 200 mètres.
Paavo Nurmi (1897-1973)
Coureur finlandais spécialiste de demi-fond, de fond et de cross-country, il remporte cinq médailles d’or en 1924. En comptant celles remportées aux Jeux de 1920 et de 1928, Paavo Nurmi obtient neuf médailles d’or au total durant sa carrière de champion.
Duke Kahanamoku (1890-1968)
Le nageur américain d’origine hawaïenne, déjà double champion olympique du 100 m en 1912 et 1920, s’aligne sur la même distance en 1924 à l’âge de 34 ans ! Il finit second de l’épreuve avant de passer à la postérité comme une légende du surf.
Johnny Weissmuller
(1904-1984)
Nageur américain bien connu pour le rôle de Tarzan qu’il endosse à douze reprises, il décroche cinq médailles d’or olympiques dont trois en 1924. Sur ces olympiades, il s’impose notamment sur l’épreuve reine du 100m, distance sur laquelle il fut le premier homme à parcourir en moins d’une minute.
Gertrude Ederle (1905-2003)
Nageuse américaine surnommée Trudy, elle est triple médaillée à Paris et devient la première femme à traverser la Manche à la nage le 6 août 1926.
Pierre Chayriguès (1892-1965)
Footballeur français évoluant au poste de gardien de but, il s’enfonce une côte après une sortie dans les pieds de l’Uruguayen Pedro Petrone durant un match aux Jeux de 1924. Avec le Red Star, il remporte trois coupes de France en 1921, 1922 et 1923.
Julie Vlasto (1903-1985)
Joueuse de tennis française, elle décroche la médaille d’argent en 1924 après sa défaite en finale face à l’américaine Helen Wills. Elle remporte 4 Roland-Garros : une fois en simple en 1924 et trois fois en double accompagnée de Susan Lenglen en 1923, 1925 et 1926.
William DeHart Hubbard
Avec un saut à 7,44m sur l’épreuve de saut en longueur de 1924, il est le premier afro-américain à remporter l’or sur une discipline individuelle
Charles Rigoulot
Futur « homme le plus fort du monde », médaillé d’or chez les mi-lourds en haltérophilie lors des jeux olympiques de 1924.