1924 à 1939
À la suite des Jeux de 1924, le stade olympique de Colombes confirme sa place de haut lieu du sport. Il accueillera le Tournoi des Cinq Nations ou les finales de la Coupe de France de football par exemple. Avec le temps, ses terrains d’entraînement s’ouvrent à la pratique de nombreuses disciplines comme le hockey sur gazon ou le baseball.
Quand le stade olympique de Colombes s’ouvre au baseball
Introduit en France lors d’un match d’exhibition aux Jeux olympiques de 1924, le baseball peine à se démocratiser.
En 1924, le stade olympique de Colombes accueille la pratique régulière de ce sport sur ses terrains avec, en guise de promotion, l’organisation d’un match amical entre deux des meilleures équipes américaines de la Ligue majeure de baseball : les Giants de New York et les White Sox de Chicago.
Joué sous une météo capricieuse et dans un pays aculturé sur le sujet, l’événement est un échec. Seuls quelques centaines de spectateurs, pour la plupart américains, se rendent au match.
Malgré ce manque de popularité, la Fédération française de baseball et de thèque est fondée la même année. Frantz Reichel en est le premier président. Censé développer la pratique de la discipline en France, il privilégie la thèque par peur que le baseball professionnel fasse de l’ombre aux autres sports français.
Encore aujourd’hui, le baseball reste un sport très peu pratiqué en France avec 13 670 licenciés recensés en 2021.
Le baseball fait les gros titres
Malgré quelques rencontres entre équipes américaines et canadiennes au stade Pershing près du bois de Vincennes, le baseball reste dans l’ombre de la thèque et n’est que très peu pratiqué en France.
Pourtant, les journaux se sont emparés de ce sport américain pour en décrypter les règles et les usages, participant ainsi à le rendre un peu plus populaire.
L’Illustration, un des magazines les plus importants des années 1920, publie des articles pour initier ses lecteurs à cette nouvelle discipline venue d’Amérique. Dans l’édition du 22 novembre 1924, on peut lire : «Lancer, frapper, courir : tels sont les trois principes de ce jeu qui répètent les gestes essentiels de l’humanité primitive. Lancer la pierre, frapper pour attaquer ou se défendre, courir pour atteindre un but ou fuir un danger…»
Le quotidien Le Miroir des sports, successeur du Miroir en 1920, s’approprie également le sujet. Le 12 novembre 1924, il évoque la popularité du baseball outre-Atlantique : «Aux Etats-Unis, tous les enfants savent, dès le plus jeune âge, tenir un bâton et lancer une balle. Quatre-vingt-dix pour cent d’entre eux ont l’ambition de devenir de grands joueurs, qui sont payés, on le sait, de 125 000 à 140 000 francs par an…»,.
Durant tout le mois de novembre 1924, le journal ne cessera d’évoquer le baseball dans ses colonnes. Reportages photo, illustrations, articles sur le jeu et les règles… Il participera grandement à sensibiliser le public français au baseball.
Baseball versus football ou rugby
Boudé dès les premiers matchs en 1924, le baseball fait les choux gras des journaux français qui ne sont font pas attendre pour souligner le manque de popularité du sport américain.
Par exemple, le 12 novembre 1924, le Miroir des sports titre : «Le football et le rugby ne sont pas près d’être détrônés en France».
Malgré cet échec, l’équipementier de baseball américain Spalding organise une tournée européenne pour faire la promotion de la discipline. Dans la foulée, en 1924, la Fédération française de baseball et de thèque voit le jour.
Même si le baseball s’inscrit discrètement et durablement dans le paysage sportif hexagonal, force est de constater que si les Américains naissent avec une batte dans la main, les Européens sont beaucoup plus portés sur le ballon rond ou ovale.
Frantz Reichel et la Fédération française de baseball
Avec la création en 1924 de la Fédération française de baseball et de thèque, le sport américain fait son entrée officielle en France.
Le premier président nommé à la tête de la fédération est Frantz Reichel. Il occupera ce poste de 1924 à 1931 avec, à ses côtés, deux vice-présidents d’honneur : John McGraw et Charles Comiskey.
À cette époque, Frantz Reichel est un journaliste sportif reconnu. Il est aussi un ancien champion d’athlétisme et un joueur de rugby à XV médaillé d’or avec l’équipe nationale aux Jeux olympiques de 1900.
Défenseur d’une pratique amateur, il n’encouragera pas la professionnalisation du sport, privant ainsi le baseball et la thèque d’une destinée aussi populaire que le football.
Cependant, en 1926, la fédération organise le premier championnat de France de baseball. Le titre est remporté le 22 août par l’AS Transport sur la pelouse du stade olympique de Colombes face au Ranelagh BBC.
En 1929, l’équipe de France fait son entrée dans l’histoire avec une victoire contre l’Espagne (10-6). Par la suite, dans les années 1930, un tournoi est organisé entre plusieurs nations européennes : la France, les Pays-Bas et la Belgique.
Après la Seconde Guerre mondiale et six années de disette sportive, ce sont les Américains et les Néerlandais qui relanceront la pratique du baseball en France.
En 1938, la finale de la Coupe du monde de football qui se tient au stade olympique Yves-du-Manoir de Colombes permet de révéler ce dernier aux yeux du monde, lui offrant ainsi son quart d’heure de gloire internationale.
La Coupe du monde de football de 1938
En 1938, la France organise sa première Coupe du monde de football sous l’égide de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA). Cette 3e édition créée par Jules Rimet se déroule du 4 au 19 juin.
Quinze équipes y participent mais c’est le Brésil et son joueur star Leonidas qui attirent tous les regards. Raymond Thourmagem écrira dans Paris Match : «Cet homme est un véritable élastique. Au sol ou dans les airs, il possède le don diabolique de contrôler le ballon où qu’il se trouve et de déclencher un tir violent au moment où l’on s’y attend le moins. Quand Leonidas marque, on croit rêver…».
À ce titre, tous les passionnés de football voient le Brésil remporter la demi-finale face à l’Italie et aller jusqu’au bout pour décrocher une première Coupe du monde. A ce jeu, l’Italie fait mentir tous les pronostics. La Squadra Azzurra s’impose 2 buts à 1 face à un Brésil qui a été privé de son joueur star, laissé au repos par son sélectionneur Adhemar Pimenta.
Malgré la défaite, Leonidas est élu meilleur joueur et meilleur buteur de la Coupe du monde avec sept réalisations.
La finale, qui se déroule devant 45 000 spectateurs au stade olympique Yves-du-Manoir à Colombes, est remportée par l’Italie 4-1 face à la Hongrie. La Squadra Azzura étoffe ainsi son palmarès avec un deuxième titre mondial. C’est aussi l’occasion pour tous les fans de football de découvrir un stade à la hauteur de l’événement…Comme pour les Jeux olympiques de 1924.
Le stade olympique de Colombes sera touché par un drame qui ira jusqu’à changer son histoire.
En 1928, Yves du Manoir – international du XV de France et joueur du Racing club –, trouve prématurément la mort dans un accident d’avion. Pour lui rendre hommage, le complexe sportif change de nom et porte le sien à partir de 1928. La Coupe du monde de football de 1938 aura ainsi lieu au stade olympique Yves-du-Manoir.
Yves du Manoir (1904-1928), le sport en héritage
Yves du Manoir naît le 11 août 1904 à Vaucresson en Seine-et-Oise et meurt à l’âge de 23 ans le 2 janvier 1928 dans un accident d’avion dont il était aux commandes.
En 1914, il effectue sa scolarité à Lausanne en Suisse pour fuir la guerre. Après l’obtention d’un baccalauréat en mathématiques élémentaires, il intègre l’école polytechnique. Il embrassera une carrière militaire en tant sous-lieutenant dans l’aéronautique.
Après la Grande Guerre, et la démocratisation du sport en France, Yves du Manoir est recruté en 1923 par le mythique club de rugby parisien : Le Racing Club. En tant que demi d’ouverture, il joue quatre saisons et est considéré par ses co-équipiers comme un très bon botteur et plaqueur.
Ayant plusieurs cordes à son arc, Yves du Manoir s’illustre également en natation et en tennis.
Il portera à huit reprises le maillot de l’équipe de France de rugby. Le 1er janvier 1925, il joue son premier match en sélection face à l’Irlande lors du Tournoi des Cinq Nations qui se déroule au stade olympique de Colombes.
Le journaliste Robert Dieudonné dira à son sujet : «La première fois qu’on vit paraître dans l’équipe de France ce jeune garçon, la foule, qui ne choisit pas, mais se laisse aller à son instinct, lui consacra tout son enthousiasme.»
À cette période, tout le pays découvre ce jeune joueur qui impressionne par sa détermination sur le terrain. Associé au renouveau dynamique de la nation, sa mort accidentelle en 1928 suscite de nombreux hommages. La France devient alors orpheline de l’une des personnalités les plus populaires du pays.
Un stade qui a changé plusieurs fois de nom
Le stade de Colombes a porté plusieurs noms depuis sa construction :
– stade du Matin de 1907 à 1919,
– stade de Colombes de 1919 à 1924,
– stade olympique de Colombes entre 1924 et 1928.
En 1928, en hommage à Yves du Manoir, jeune rugbyman décédé accidentellement le 2 janvier de la même année, le stade adopte le nom de stade olympique Yves-du-Manoir.
Ce 2 janvier 1928, l’équipe de France affronte l’Écosse lors du Tournoi des Cinq Nations. Personne dans le vestiaire ou dans les tribunes n’est encore au courant de la tragédie. Elle sera annoncée durant la rencontre à la suite de laquelle le capitaine du XV de France porte un toast pour honorer son ami : «Du Manoir faisait partie de ces êtres d’exception, auxquels les fées, après avoir été trop généreuses, retirent tragiquement toutes les faveurs.»
Quatre mois après l’accident qui aura coûté la vie au jeune sportif, le stade est rebaptisé stade olympique Yves-du-Manoir. Une statue est ensuite érigée à l’entrée du stade par le Racing Club pour lui rendre hommage. Le club crée également Le challenge de rugby Yves du Manoir à partir 1931.
Le nom du Français reste un symbole fort et une source de fierté pour tous les Colombiens. En 2002, 74 ans après sa mort, le stade olympique Yves-du-Manoir change une dernière fois de nom pour devenir le stade départemental Yves-du-Manoir.
De nombreux hommages lui sont rendus
À seulement 23 ans, Yves du Manoir disparaît lors d’un accident d’avion. D’abord intéressé par la construction navale, il délaisse les études de polytechnique pour finalement se réorienter vers l’aéronautique.
À la fin de 1927, Yves du Manoir, qui est alors sous-lieutenant dans l’armée, ambitionne de devenir pilote à l’école pratique d’aviation d’Avord à côté de Bourges.
Le 26 décembre de la même année, lors d’une épreuve de pilotage, la météo capricieuse le force à se poser en catastrophe dans un champ. Il est alors obligé de repasser l’épreuve quelques jours après.
Il reprend ainsi les airs à bord d’un Caudron 59. Jouant de malchance, la météo n’est pas plus clémente que lors de son premier essai. Elle lui est même fatale.
Aux commandes de son avion, il perd rapidement de l’altitude jusqu’à heurter une rangée de peupliers et à s’écraser près de Reuilly dans l’Indre. Malgré l’intervention des secours, il meurt une vingtaine de minutes après l’accident.
Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise le 7 janvier 1928.
Des rues, des places, ou des lieux prennent son nom comme, par exemple, le stade olympique Yves-du-Manoir de Colombes, le stade Yves-du-Manoir à Montpellier, ou encore l’avenue Yves-du-Manoir à Paris.
25 ans après, le 23 décembre 1953, le quotidien L’Équipe publie une bande dessinée intitulée « Yves du Manoir, belle figure du sport ». Encore aujourd’hui, il demeure une personnalité incontournable du sport français.